La notion d'espèce est un concept compliqué qui se définit par plusieurs approches.
I. Définition biologique
La définition la plus communément admise est celle d’Ernst Mayr qui est une définition biologique. Il dit que deux individus appartiennent à la même espèce, si et seulement si, ces deux individus sont interféconds et que leur descendance est fertile, c’est-à-dire qu’à leur tour les descendants pourront avoir une descendance.
Par exemple avec l’espèce cheval et l’espèce âne : la descendance obtenue entre un âne mâle et une jument est un individu (donc on peut supposer que l’interfécondité fonctionne et est réelle) qui s’appelle une mule ou un mulet. Cet individu est stérile, non fertile.
Donc cette définition fonctionne bien, mais elle a des limites. Par exemple, il existe l’espèce chien et l’espèce loup, lorsqu’il y a reproduction entre les deux, cela donne un nouvel individu (chien-loup ou crocotte) fertile. Ainsi, cette définition sur les hybrides trouve des limites.
De même, lorsqu’on travaille sur deux petites espèces d’insecte, que l’on voit deux individus, on se pose la question en laboratoire de savoir s’ils appartiennent à la même espèce ou non. On peut alors espérer que la fécondation ait lieu entre ces deux individus, mais en laboratoire ce n’est pas toujours évident d’obtenir une reproduction. Là encore, on est face à la limite de cette définition biologique.
Enfin, quand on pense aux espèces fossiles, par exemple les dinosaures, on a de nouveau les limites de cette définition. Comment savoir que deux dinosaures appartiennent à des espèces différentes ou non, puisqu’on n’a pas la connaissance de savoir s’ils pouvaient se reproduire entre-eux (car ils n’existent plus) ?
Il existe donc d’autres définitions de la notion d’espèce.
II. Définition génétique
Cette définition se base sur le caryotype qui est une représentation des chromosomes par couple d’homologues du plus grand au plus petit. Par exemple, dans l’espèce humaine, nous avons 46 chromosomes : ceci est un de nos attributs. Si l’on prend l’espèce chimpanzé, il y a 48 chromosomes. On a donc deux caryotypes différents, donc deux espèces différentes.
Parfois, il existe des caryotypes identiques (même nombre de chromosomes) mais pourtant des espèces différentes. Il faut alors se placer à l’échelle du génome (l’ensemble des gènes au sein d’une espèce). Dans l’espèce humaine, nous sommes à 22 000 ou 23 000 gènes et beaucoup plus d’allèles (qui sont les versions d’un gène). Ainsi, pour comparer des individus (savoir s’ils appartiennent ou non à la même espèce), on peut travailler sur des génomes du séquençage d’ADN et conclure à l’appartenance ou non des individus à la même espèce.
III. Définition phénotypique
Phéno : ce qui est visible, ce que l’on peut observer à différentes échelles : avec les yeux (échelle macroscopique), avec un microscope (échelle microscopique), avec des outils pour descendre à l’échelle moléculaire (échelle nanoscopique).
C’est donc travailler sur des ressemblances anatomiques. On prend deux individus et l’on se demande s’ils appartiennent à la même espèce. S’ils se ressemblent, il est fort probable que oui. Mais il existe des limites.
Par exemple, au sein de l’espèce lion, si l’on prend le mâle et la femelle, ils ont un ensemble d’attributs phénotypiques différents et pourtant ils appartiennent à la même espèce : même caryotype, même génome.
Un autre exemple, dans un cas de dimorphisme sexuel, c’est-à-dire que le mâle et la femelle sont très différents, on peut penser aux insectes comme le lucane cerf-volant avec un mâle phénotypiquement très différent de la femelle. Si on regarde les poissons, on a un exemple de dimorphisme sexuel poussé à son extrême avec la caulophryne : la femelle est énorme alors que le mâle vit presque en parasite sur la femelle.
IV. Définition écologique
Dans cette définition, deux individus appartiennent à la même espèce s’ils occupent la même niche écologique. Ceci est pratique lorsqu’on se place à l’échelle de l’écosystème, quand on travaille sur le terrain, mais il y a aussi des limites.
Par exemple, au sein de l’espèce grenouille Reinette, l’adulte n’occupe pas la même niche écologique dans le cycle de développement que le têtard, ils n’ont pas la même alimentation, ils ne vivent pas exactement au même endroit.