Troisième > Mission Brevet Français > Mes sujets de brevet > Se raconter, se représenter
Adrien Fourier, le narrateur, et ses deux amis, Penanster et Weil, sont trois officiers gravement blessés au visage durant la Première Guerre mondiale. Ils sont soignés à l’hôpital du Val-de-Grâce. Un jour, ils y aperçoivent Marguerite, elle aussi victime d’une terrible blessure. Ils attendent depuis longtemps une occasion de lui parler.
Nos blessures ne pouvaient qu’effrayer cette femme qui se réfléchissait en nous, miroirs de son infortune, mais lorsque, après des jours d’attente et de guet, elle sortit et se trouva devant Penanster, elle ne se déroba point.
- Nous formons, lui expliqua-t-il, un club d’officiers qui compte à ce jour trois membres actifs et volontiers bienfaiteurs. Nous nous sommes aperçus qu’il y manquait une femme. Voulez-vous en faire partie ?
Pour toute réponse, elle nous adressa un sourire chaleureux, le sourire immaculé d’une bouche totalement épargnée, comme ses yeux et son front. Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. Elle avait été touchée au nez et aux pommettes et la déflagration lui avait également crevé les tympans car, comme Penanster poursuivait la conversation, elle continua de sourire, du sourire de ceux qui vivent dans un monde à part.
Penanster comprit alors qu’elle était sourde et ne pouvait que lire sur les lèvres. Lui seul avait une bouche intacte, où les mots prenaient forme. Je compris aussitôt que ni Weil ni moi ne pourrions jamais nous entretenir avec elle, les mouvements de nos lèvres étaient devenus sans signification car le son des mots reconstitués tels que nous les formions ne parviendrait jamais à son oreille.
Dans le langage qui commençait à s’instituer entre elle et Penanster, notre ami s’étonna de sa présence parmi nous. D’une voix à la douceur tiède qui faisait paraître encore plus injuste sa blessure, elle nous conta alors son histoire. Ébahis, appuyés les uns sur les autres, nous l’écoutions, intimidés par cette grande femme au charisme inaltéré.
Vers la fin de 1915, on manquait d’infirmières. Marguerite s’était portée volontaire. Elle était à cette époque aussi belle qu’inutile. Son père était un orfèvre fortuné, et elle ne manquait pas de prétendants, tous réformés ou embusqués. Elle rêvait de s’éprendre d’un homme courageux. Elle fut affectée d’abord dans un hôpital de l’arrière, où sa beauté créa un tel trouble chez les convalescents aussi bien que chez les médecins que la situation devint insupportable. Sans imaginer probablement ce que serait la réalité, elle persuada un officier auquel elle s’était refusée de l’envoyer dans une antenne de secours à l’avant.
Georges Conrad, Les Gueules cassées, affiche de l’Union des blessés de la face, lithographie.
1. Qui sont les différents personnages de ce texte ?
2. Qu’ont-ils en commun ? Deux éléments de réponse sont attendus.
3. Lignes 7 à 22 : Peut-on dire dans ce passage que tous les personnages arrivent à communiquer facilement ensemble ? Justifiez votre réponse en citant des passages précis du texte.
4. Lignes 23 à 30 : Pour quelles raisons Marguerite souhaitait-elle s’engager comme infirmière de guerre ? Deux éléments de réponse justifiés par des citations du texte sont attendus.
5. a. « Elle était comme un parterre de roses saccagé par le milieu. » (lignes 8 à 9) Quelle figure de style pouvez-vous identifier dans cette phrase ? Pourquoi est-elle particulièrement adaptée pour décrire le visage de Marguerite ? Un élément de réponse et une citation sont attendus.
b. Complétez ce portrait physique de Marguerite par son portrait moral en identifiant deux traits de caractère du personnage. Vous justifierez chaque trait de caractère en vous appuyant sur le texte.
6. Quelles réflexions sur la Grande Guerre peut inspirer l’expérience des personnages ? Deux éléments de réponse, chacun justifié par des citations du texte, sont attendus.
7. Cette affiche vous paraît-elle être une bonne illustration du texte ? Vous développerez votre réponse en vous appuyant sur deux arguments. Chaque argument doit être justifié en vous référant au texte et à l’image.