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Exercice d'application


Se raconter, se représenter

  • Maurice Genevoix raconte à la première personne son expérience de soldat de la Première Guerre mondiale.

    C’est très long, quand on ne voit même pas la fumée de sa pipe, quand l’homme qui est tout près n’est plus qu’une masse d’ombre indistincte, quand la tranchée pleine d’hommes s’enfonce dans la nuit, et se tait. Sous les planches les gouttes d’eau tombent, régulières. Elles tombent, à petits claquements vifs, dans la mare qu’elles ont creusée. Une... deux... trois... quatre... cinq... Je les compte jusqu’à mille. Est-ce qu’elles tombent toutes les secondes ?... Plus vite : deux gouttes d’eau par seconde, à peu près ; mille gouttes d’eau en dix minutes... On ne peut pas en compter davantage.

    On peut, remuant à peine les lèvres, réciter des vers qu’on n’a pas oubliés. Victor Hugo ; et puis Baudelaire ; et puis Verlaine ; et puis Samain... C’est une étrange chose, sous deux planches dégouttelantes, au tapotement éternel de toutes ces gouttes qui tombent... Où ai-je lu ceci ? Un homme couché, le front sous des gouttes d’eau qui tombent, des gouttes régulières qui tombent à la même place du front, le taraudent1 et l’ébranlent, et toujours tombent, une à une, jusqu’à la folie... Une... deux... trois... quatre... Il n’y a pourtant, sur les planches, qu’une mince couche de boue. Depuis des heures il ne pleut plus. D’où viennent toutes les gouttes qui tombent devant moi, et mêlées à la boue enveloppent ainsi mes jambes, montent vers mes genoux et me glacent jusqu’au ventre ?

    Le bois était triste aussi,
    Et du feuillage obscurci,
    Goutte à goutte,
    La tristesse de la nuit
    Dans nos cœurs noyés d’ennui
    Tombait toute...

    Les gouttes tombent au rythme de ce qui fut la Chanson Violette, je ne sais quelle burlesque antienne2 qui s’est mise à danser sous mon crâne... Une... deux...trois... quatre...

    La planche était triste aussi
    Et de son bois obscurci,
    Goutte à goutte...

    Je vais m’en aller. Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu’un...

    Maurice Genevoix, « La Boue », Ceux de 14, 1916.

    1 tarauder : tourmenter, préoccuper

    2 antienne : refrain

     

    Questions :

    Toutes vos réponses doivent être rédigées.

    1. Présentez précisément la situation du narrateur.

    a) Qu’est-ce qui attire l’attention du narrateur ? Pour quelles raisons ?

    b) Comment le texte crée-t-il un effet d’obsession ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur l’ensemble de la page.

    2. Quelles sont les actions tentées par le narrateur pour s’opposer à cette obsession ? (Passage : « Une... deux... trois... [...] d’eau en dix minutes...»)

    « Dégouttelantes » : comment ce mot est-il construit ? Quel sens lui donnez-vous ?

    3. Comment ressentez-vous l’écoulement du temps dans ce texte ? Quels indices confirment cette impression ?

    4. Quel est le temps verbal dominant dans le texte ? Quel est l’intérêt de son emploi dans ce récit ?

    « Il faut que je me lève, que je marche, que je parle à quelqu’un ». Comment comprenez-vous cette dernière réaction du narrateur ?

    5. Comment pourrait-on adapter cette scène au cinéma ? Vous décrirez et expliquerez vos choix (mouvements de caméra, cadrages, lumière, son ...) en tant que réalisateur ou réalisatrice du film.

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