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Sujet : Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne – Parcours : écrire et combattre pour l’égalité.
Texte d’après Marie-Eve Thérenty, « De La Fronde1 à la guerre (1897-1918) : les premières femmes reporters », article paru dans L'Invention du reportage, 2010.
Vous résumerez ce texte en 200 mots. Une tolérance de +/- 10 % est admise : votre travail comptera au moins 180 et au plus 220 mots.
Vous placerez un repère dans votre travail tous les 50 mots et indiquerez, à la fin de la contraction, le nombre total de mots utilisés.
Pour les journalistes féministes, le reportage d’avant-guerre était une écriture de la liberté, sinon de la libération. La guerre, parce que la nation tout entière la pense radicalement comme une affaire d’hommes, sonne comme la fin d’une époque pour ces femmes reporters. La déclaration de guerre, en radicalisant la ligne de genre, interdit aux femmes d’enquêter sur un certain nombre de sujets et notamment sur tout ce qui concerne le front, sujet essentiel et réservé aux hommes.
Malgré cette interdiction de témoigner sur ce qui importe le plus à la nation, le reportage féminin adopte sans hésiter les valeurs du discours patriotique et nationaliste. Chez toutes les reporteresses, notamment pendant les deux premières années de guerre, les récits font entendre le vocabulaire, les clichés, les formules de la propagande de guerre : les hommes sont braves au combat et la victoire est proche. Cette double contrainte (interdiction de front et nationalisme participatif) cantonne la grande majorité des reportages féminins pendant la Première Guerre mondiale à deux sous-genres : le reportage d’infirmières d’un côté qui contourne partiellement l’interdit géographique et le reportage de l’arrière qui héroïse la femme travailleuse et la montre comme participant à l’effort collectif.
Le récit d’infirmières, produit en abondance pendant la Première Guerre mondiale et déjà bien étudié, rassemble à la fois des témoignages d’infirmières parus dans les journaux mais également des reportages d’écrivaines ou de journalistes enrôlées pendant un temps plus ou moins long dans l’ambulance comme Colette, Marc Hélys2, Colette Yver ou Andrée Viollis. La position d’infirmière fonde la femme reporter comme témoin crédible et atteste de la véracité du témoignage par la participation à l’effort national. Rien n’interdit cependant, en réinsérant ce reportage dans une histoire de la pratique féminine du genre, de voir dans le reportage d’infirmière une forme de journalisme d’identification. Construction d’une forme d’équivalence féminine avec l’enrôlement masculin, ce reportage a un œil fixé sur la ligne de genre, l’autre sur la ligne de front car il s’agit toujours d’ériger des textes-monuments à la gloire des victimes et des combattants. La métaphore de l’infirmière comme soldat à son poste est fréquente dans ces reportages : « Seule femme en route, je me sentais véritablement moi aussi un soldat qui rejoint son poste, et c’était là une impression exaltante et apaisante à la fois3 ».
La grande majorité des reportages de femmes consiste cependant en des témoignages de la guerre vue de l’arrière. La femme au travail constitue dans la tradition du reportage le sujet favori des femmes journalistes qui décrivent immanquablement les ouvrières. Un des lieux de cristallisation de ce reportage se trouve dans les usines de munition. La « munitionnette » intéresse la reporteresse en raison du caractère paradoxal du type, par le symbolisme national qu’il véhicule mais peut-être également parce que ce sujet permet de souligner discrètement que la femme accomplit là un travail d’homme. En effet, si le reportage de l’arrière soutient l’effort national par un discours patriotique et militaire, sans nuance, si, en apparence, il conforte aussi la ligne de genre (l’intimité et les femmes à l’arrière, la valeur et les hommes au front), subrepticement4, sans renoncer à ses sujets et à ses méthodes de prédilection (l’archive de la femme au travail, le journalisme d’immersion, l’empathie et l’identification), le reportage dit aussi l’impensable : les hommes remplacés par des femmes dans les usines ne sont pas (plus) indispensables. Et immanquablement se développe aussi un discours de comparaison : « La femme, avec des forces inférieures, apporte beaucoup plus de souplesse, plus de "nerf" à son travail. Elle sait se servir non seulement de sa main en bloc, mais de ses doigts séparément. Son travail me semble surtout plus régulier, plus ininterrompu que celui de l’homme5 ». Certains reportages posent alors de façon appuyée la question de l’après-guerre quand le consensus forcé aura disparu. Marc Hélys, pourtant généralement peu subversive, dépeint les conditions du relais de la guerre mondiale par la guerre des sexes : « Aussi nombre de femmes prétendent-elles rester dans les ateliers après la guerre6 ».
Les articles sur les munitionnettes tout comme ceux sur les femmes-soldats entrelacent donc deux discours : un discours de soutien national et militaire à la nation et un discours genré d’annonce des mutations d’après-guerre. Le reportage féminin, malgré son apparent conformisme, sort de la guerre finalement conquérant en ayant trouvé dans ses constantes génériques (le thème de la femme au travail, l’identification et l’immersion) des lieux potentiels de cristallisation7 de la question des droits des femmes : il montre une guerre qui fait beaucoup plus bouger la ligne de genre qu’il ne la conforte.
802 mots
1 La Fronde : Premier journal en France à être entièrement conçu et dirigé par des femmes, il a été créé en 1887.
2 Marc Hélys : pseudonyme de Marie Léra.
3 Notes d’une infirmière, parues dans le journal Le Correspondant, 10 janvier 1915.
4 Subrepticement : de manière cachée.
5 Journal Le Petit Parisien, 24 juillet 1916.
6 Journal Le Correspondant, 25 décembre 1916.
7 Cristallisation : concentration.
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