Notre système éducatif repose sur une idée qui ne choque pas grand monde : Il semble naturel que la répartition des notes d’une classe suive une courbe en cloche centrée sur une note proche de 10/20, (voire moins au lycée ou dans les classes préparatoires).
Dans l’imaginaire collectif, les notes d’une classe (qui a environ 08/20 de moyenne à un contrôle) auraient la répartition suivante :
Dans cette répartition,
- 50% des élèves ont moins de 08/20
- 26% des élèves ont moins de 06/20
La constante macabre
André Antibi, chercheur en didactique a publié en 2003 un livre sur ce sujet et définit ce qu’il nomme la constante macabre :
“Par Constante macabre, j'entends qu'inconsciemment les enseignants s'arrangent toujours, sous la pression de la société, pour mettre un certain pourcentage de mauvaises notes. Ce pourcentage est la constante macabre”.
Dans l’exemple précédent, avec 26% des élèves qui ont moins de 06/20, cette constante est élevée.
Ce système touche tous les niveaux de classe jusqu’aux concours de recrutement de l’enseignement puisqu’un professeur agrégé (concours très difficile) peut être titularisé après avoir obtenu 07/20 de moyenne générale. Un professeur qui accède à son titre sans avoir eu la moyenne, quel drôle de message...
Pourquoi les notes sont-elles parfois si basses ?
Lorsqu’un professeur prépare un sujet d’examen, il est souvent tenté de proposer :
- des exercices que les élèves n’ont jamais vu en classe
- des contrôles que seuls les plus rapides peuvent réaliser
- des exercices que seuls les élèves les plus forts pourront éventuellement réussir
De ce fait, il condamne à l’avance :
- les élèves très scolaires à ne pas pouvoir réaliser les nouveaux types d’exercices
- les élèves peu rapides à ne pas pouvoir finir le contrôle
- les élèves de niveau faible ou moyen à ne pas pouvoir traiter tout le sujet
Avec ce cocktail, il est très naturel d’obtenir beaucoup de mauvaises notes et une forte constante macabre. En validant ce type d’évaluation, le professeur admet implicitement que la majorité de ses élèves est en échec, sans se dire pour autant que cet échec est le sien.
Le professeur a t-il rempli sa mission ?
On pourrait imaginer que le professeur se dise : “Mes élèves ont été en échec puisqu’ils n’ont pas été en mesure de réussir les exercices que je leur ai proposés donc je n'ai pas totalement réussi mon travail”. Cette hupothèse mérite d'être retenue.
Pourtant beaucoup de professeurs vont au contraire tirer une forte satisfaction d’avoir une constante macabre élevée : elle vient renforcer la qualité supposée de leur enseignement.
Quel est le message du professeur ?
En exigeant beaucoup de ses élèves, et presque l’impossible, le professeur ne rougit pas de ces mauvais résultats et espère même entretenir une notoriété d’être un enseignant qui tire ses élèves vers le haut.
En classe préparatoire, on trouve même des adeptes de la note négative, ce qui fait bondir les professeurs soucieux de proposer des évaluations bienveillantes.
Pour résumer, le message est “ Vous avez eu 02/20 à votre contrôle parce votre niveau est insuffisant ou parce que vous avez révisé sans chercher à approfondir. Heureusement, je suis là et je vais vous apprendre à vous dépasser pour mieux affronter la vraie vie”
La vie est un jungle, l’école aussi donc.
Quel est l’impact pour les élèves ?
Il faut être honnête, ce discours fonctionne, mais avec seulement 10% des élèves. Il faut une volonté de fer et une estime de soi très solides pour trouver l’énergie de rebondir après avoir obtenu 02/20 à un contrôle. Se remettre au travail, se dépasser, il faut que cela soit atteignable !
Pour la majorité des élèves, obtenir une mauvaise note les conduit au découragement, c’est inévitable.
Un élève découragé ne travaille plus, il s’ennuie, perturbe le cours et entre tristement dans la spirale de l’échec.
Les bonnes notes sont-elles contre-productives ?
Est-on bien certain qu’il faille malmener un élève pour le faire progresser ?
Est-on bien certain que le niveau des élèves ne serait pas globalement meilleur (et donc la qualité de l’enseignant) si la répartition des notes ressemblait à ça :
Dans cette répartition,
- 12% des élèves ont moins de 10/20
- 55% des élèves ont plus de 14/20
Les élèves ont globalement su répondre aux questions posées par le professeur qui devrait être fier d’avoir bien accompagné ses élèves. Nous gageons que le professeur n'a pas réduit ses exigences et en ne piégant pas ses élèves, il leur témoigne sa considération.
Une alternative : l'Évaluation Par Contrat de Confiance (EPCC)
Mr Antibi propose une méthode pour sortir de la constante macabre : l’Évaluation Par Contrat de confiance (EPCC).
Cette méthode repose sur une idée simple : l’élève sera évalué sur des activités vues en classe, sans surprises, sans pièges et réalisables dans le temps imparti.
Une semaine environ avant chaque contrôle, l’enseignant indique aux élèves une liste de questions traitées en classe (cours, exercices…) portant sur tout le programme du contrôle, en annonçant clairement : « Au contrôle, vous aurez à traiter exactement certaines de ces questions et, sur 4 points sur 20 environ, un exercice portant sur le programme du contrôle et ne figurant pas sur la liste »
Une séance de questions doit donc être organisée entre l’annonce du programme du contrôle et le contrôle. Elle doit permettre aux élèves qui n’ont pas compris certains points du programme de demander des explications à l’enseignant.
Cette méthode incite beaucoup à s'investir car elle permet de garantir une récompense à l’élève qui a travaillé (16 points sont rigoureusement identiques à ce qui a été vu en classe), ce qui n’est pas le cas dans les évaluations traditionnelles.
Un travail apaisé et des élèves en progrès
Cette méthode n’a pas d’effet sur les 10% d’élèves qui ne travaillent pas en classe mais elle a des résultats très positifs sur ceux qui s’investissent. Elle permet surtout de réduire le stress des élèves et de leur redonner confiance.
Chez Les Bons Profs, nous avons choisi de ne pas mettre de notes à nos abonnés : la décision était facile à prendre, nous ne sommes pas une école. Cela ne les empêche pas de travailler sur nos cours et exercices en ligne et de nous remercier régulièrement pour l'aide qu'on leur apporte.
Nous sommes très sensibles à la bienveillance et encourageons les démarches pédagogiques qui vont dans ce sens.
Suivons donc l’EPCC, elle mérite qu’on s’y attarde.
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