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LE REGARD NAÏF (Accès libre)

Le regard naïf

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Le regard naïf est le regard que porte un personnage sur un objet ou un lieu qu’il ne connaît pas encore. Étymologiquement, le mot naïf signifie « qui vient de naître ». Donc le regard naïf c’est un regard qu’on porte sur le monde comme si le personnage venait de naître. Un enfant, par exemple, va porter un regard naïf sur le monde : il s’étonne de l’argent qui sort du distributeur ou des cadeaux sous le sapin de Noël. Puis en grandissant, il comprend comment cela fonctionne et il ne s’étonne plus. De même lorsque quelqu’un va dans un pays étranger, il remarque les coutumes, les habitudes des habitants et il peut s’en étonner alors que pour eux c’est leur quotidien et ils ne s’en étonnent pas.

 

Exemples littéraires

 

En littérature, les auteurs emploient ce regard naïf pour dénoncer les travers de la société en mettant en scène des personnages qui portent un regard naïf sur la société contemporaine, afin de montrer au lecteur que ce à quoi ils sont habitués peut paraître étonnant pour d’autres personnes. Il y a beaucoup d’exemples d’auteurs qui ont mis en scène des personnages portant un regard naïf sur le monde et principalement au XVIIIe siècle, à l’époque des Lumières.

 

Montesquieu a écrit Les Lettres persanes. Dans ce roman, il imagine deux persans qui visitent Paris et qui s’étonnent de tout. Donc, ils s’étonnent de la façon dont le pays est gouverné, et notamment le fait que les gens obéissent à un enfant, puisqu’à l’époque le roi pouvait régner très jeune. Ils s’étonnent également de ce que les modes parisiennes changent tout le temps, qui ne correspondent nécessairement pas à un besoin de se vêtir ; que les gens aillent continuellement au théâtre pour se regarder les uns les autres. Donc, ils s’étonnent de toutes les habitudes parisiennes. À travers ces séries d’étonnements, l’auteur Montesquieu propose une critique de la monarchie française. Il montre à son lecteur à quels points certaines habitudes de la monarchie sont absurdes, ne fonctionnent pas et paraissent dérisoires à quelqu’un qui les voit pour la première fois. En même temps, il critique le fait que le lecteur, qui fait partie de ces parisiens, est frivole, il ne pense qu’à s’habiller, qu’à la nouvelle mode, qu’à aller au théâtre et donc ne peut pas percevoir les travers de la société.

 

Voltaire a écrit le conte philosophique Candide et qui met en scène un personnage qui découvre le monde et qui pense au départ que le monde est parfait, qu’il est comme il doit être. À travers un roman initiatique, il va traverser les différentes institutions de la société et s’apercevoir qu’il avait tort. Au chapitre III, il est confronté à la guerre. Au début, il voit défiler les armées, il trouve cela magnifique, tout est ordonné et beau, il a l’impression d’assister à un spectacle, au théâtre de la guerre. Et puis les différents clans commencent à se tirer les uns sur les autres, c’est le massacre, et il s’aperçoit qu’en réalité c’est quelque chose de sanglant. Voltaire, quand il fait cette description, adopte un point de vue ironique : il fait semblant d’adopter le point de vue de son personnage pour montrer à quel point ce point de vue est absurde et à quel point les fausses apparences de la guerre cachent un massacre et quelque chose d’horrible.