Terminale > Philosophie > Notions philosophiques > Stage - L'art
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Le mot « art » vient étymologiquement de technè, la technique en grec. « Art » voulait dire technique, il n’y avait pas de distinction entre l’artiste et l’artisan. Cette distinction apparait au XVIIIe siècle lorsque l’Académie a distingué l’ordre des arts mécaniques, l’artisanat, de l’ordre des Beaux-Arts, ce que l’on appelle aujourd’hui l’art. Pourquoi distingue-t-on l’art et la technique ? Un objet technique a une utilité, c’est un moyen pour une fin, par exemple un outil ou un marteau. Une œuvre d’art ne sert à rien, elle est inutile, c’est une fin en soi. Dans l’art, il y a une dimension esthétique fondamentale : une œuvre d’art est censée susciter des émotions, ce qui n’est pas l’essence de l’objet technique bien que cela puisse arriver. C’est l’objet du design de faire des objets à la fois technique et artistique. La première question qui se pose est d’où vient la création artistique ?
La première réponse est le génie : seuls les êtres de génie sont capables de créer des œuvres d’art. Le génie est un don, quelque chose reçu à la naissance et qui permet de créer par une inspiration subite. C’est donc quelque chose d’un peu mystérieux.
Cela est si mystérieux que l’on a parfois fait du génie un don divin, comme si l’artiste créait parce qu’il était inspiré par les dieux. C’est l’idée de Platon dans un de ses textes qui s’appelle Ménon : l’artiste est celui qui est possédé par la Muse. Il perd la raison et se met à créer parce qu’il est inspiré par une entité supérieure à lui. Dans son poème Ma Bohème, Arthur Rimbaud dit la même chose quand il écrit : « Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal » (vv. 1-3).
Une limite apparaît : avec cette notion de génie, on baptise le problème plutôt qu’on ne le résout. On se demande quelle est l’origine de la création artistique, on met un mot magique et on est censé avoir expliqué la chose. C’est donc insuffisant.
Gustave Flaubert, dans sa correspondance lorsqu’il écrivait Madame Bovary, raconte qu’il peut mettre parfois six semaines pour écrire 25 pages. La création artistique demande donc beaucoup de travail : les artistes travaillent énormément.
Nietzsche, dans un texte très intéressant, fait une critique de cette conception commune du génie comme une intuition spontanée. Nietzsche applique à la notion de génie une méthode qu’il applique à beaucoup pour déconstruire des idoles, c’est-à-dire des valeurs. Il se demande si derrière ces idoles il n’y a pas un affect, une pulsion, quelque chose d’irrationnel caché derrière une apparence de rationalité. Nietzsche constate que l’on parle de génie devant des œuvres qui procurent beaucoup de plaisir. Ce plaisir ne peut pas être gâché par le poison de l’envie. En attribuant à la personne cette spécificité du génie, attribut quasi-divin, on ne se met pas en état de rivaliser. En d’autres termes, on s’excuse immédiatement de ne pas avoir aussi bien fait, on coupe l’herbe sous le pied de ce sentiment d’envie et on ne laisse place qu’à l’admiration dit Nietzsche.
Ensuite, ce que dit le philosophe, c’est qu’on n’imagine pas tout le travail qu’il y a derrière l’œuvre, car nous n’avons à faire qu’à un produit fini. Or, si on prenait la mesure de tout le travail dont cette œuvre est l’accomplissement, on serait, pour rendre son expression, « refroidi ». Nietzsche remarque que l’on n’aime pas ce qui est train de se faire, on aime ce qui est achevé, ce qui est parfait. Si on voit quelque chose en train de se faire, on le dévalorise. C’est la raison pour laquelle Nietzsche dit que l’on va qualifier davantage les artistes de génies, plutôt que les scientifiques. Car pour le scientifique, on suppose spontanément qu’il y a des étapes de raisonnement par lequel il a dû passer pour arriver à la vérité. Pour l’artiste, on n’en a pas conscience. Nietzsche insiste donc sur le travail de l’artiste, non plus dans la création, mais dans la production artistique. Dans la production, il y a plus une dimension de labeur.
L’artiste n’est pourtant pas qu’un simple travailleur, qu’un simple artisan. Il y a une spécificité, une originalité de l’artiste qu’il faut tenter de sauvegarder dans une troisième partie en cherchant justement à distinguer l’artiste et l’artisan.
Pour distinguer artiste et artisan, on se sert d’un philosophe du XXe siècle, Alain. Il explique que si l’artiste est un artisan, il est plus qu’un artisan.
Alain dit plus précisément que l’artiste est artisan d’abord. Pour lui, l’origine de la création artistique n’est pas l’imagination qui se met en mouvement toute seule. L’origine de la création est l’observation. Plus précisément, c’est l’observation de la matière que l’artiste va transformer, par exemple pour le sculpteur, c’est le bloc de marbre qu’il va transformer. Alain constate que cette matière que l’on va transformer comporte certaines contraintes. Tous les blocs de marbres sont différents, donc chacun a des contraintes différentes. C’est cette matière qui va servir de matériau à l’imagination et qui va la stimuler. Sans cette matière, l’imagination n’est pas aussi bien stimulée. Donc l’artiste travaille d’abord une matière, ce qui fait de lui d’abord un artisan. Alain dit que l’on n’invente qu’en travaillant.
Mais, ajoute Alain, l’artiste n’est pas qu’artisan. Chez l’artisan, l’idée précède ce qu’il va faire et règle l’exécution : quand un cordonnier se met à travailler, il a en tête toutes les étapes par lesquelles il va devoir passer pour réaliser une chaussure. Au contraire, chez l’artiste, l’idée vient en faisant et est contemporaine de l’exécution. Même un portraitiste n’a pas, avant de commencer, toutes les étapes par lesquelles il va passer, par exemple toutes les couleurs qu’il va mobiliser. Alain précise que l’artiste est spectateur de son œuvre, comme si l’œuvre en train de naître était la réalisation de l’œuvre elle-même. L’auteur s’inspire de ce qu’il est en train de faire. Il y a donc une différence entre l’artiste et l’artisan, qui repose sur le rapport entre l’idée et son exécution.
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