Terminale > Mission Bac HGGSP > Mes sujets de bac > Faire la guerre, faire la paix
En analysant les documents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez que les guerres contemporaines peuvent prendre des formes différentes.
« Le concept de guerre hybride a été formé en 2005 par le général James Matthis et le colonel Franck Hoffman dans un article (« Future Warfare : the Rise of Hybrid Wars »1) publié dans la revue Proceedings. Le contexte de publication n’est pas anodin. L’armée américaine est alors empêtrée dans l’affaire irakienne : la guerre est officiellement terminée en 2003 après quelques semaines de combats, mais le chaos sur place oblige à maintenir des troupes jusqu’en 2014 ; les autorités militaires tentent alors de donner à la situation un cadre théorique.
C’est donc à l’aune de cette situation, à mi-chemin entre guerre et pacification, que le terme «hybridité» apparaît, afin de caractériser «la combinaison d’approches inédites - une fusion de différents modes et moyens de guerre ». Un schéma que les affrontements entre Israël et le Hezbollah2, en 2006, confirment. [...]
Le concept se définit d’abord par des modes d’action (comme le terrorisme) et des acteurs irréguliers (milice politique ou mercenaires par exemple), devenus effectivement récurrents. Deuxième caractéristique : une temporalité longue, qui voit la transition entre un état de tension armée (ou de basse intensité) et une guerre de haute intensité - ainsi du conflit dans le Donbass3 à la guerre en Ukraine. Troisième point : le conflit reste sous le seuil nucléaire.
Ce concept est dès lors décliné dans toutes les grandes armées, sous des vocables variés, de la guerre « multi-champs et multi-domaines » européenne à la guerre « non linéaire » ou « intégrale » [...]. Un consensus s’instaure autour de l’idée qu’une guerre ne se gagne pas seulement avec des moyens militaires réguliers, peut-être aussi en écho au débat engagé par la publication en 1999 d’un essai chinois sur la « guerre hors limites », qui postulait déjà un champ de bataille « hors limites » associant aux moyens militaires des moyens économiques, écologiques et juridiques.
En 2013, la France, dans son Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale, évoque des « menaces hybrides », une notion définie deux ans plus tard par le Centre interarmées de concepts, de doctrines et d’expérimentations (CICDE) comme « une forme ambigüe d’affrontements, combinant des actions militaires conventionnelles et non conventionnelles, ainsi que des actions non militaires fondées sur une stratégie de déstabilisation de l’adversaire par l’usage de leviers variés et complémentaires.
La définition insiste notamment sur les actions d’influence, les outils psychologiques et les possibilités offensives offertes par le cyberespace [...]. La nouveauté est séduisante, notamment dans les affaires militaires, où elle participe de la victoire : on doit cependant questionner cette appellation au crible de l’histoire, en gardant en mémoire la formule de Clausewitz qui comparait la guerre à un caméléon [...]. »
Source : Gilles Ferragu, « Les nouvelles règles de la guerre ? », L’Histoire, n°504, février 2023, pp. 52-57.
1 « Les conflits futurs, l’avènement des guerres hybrides ».
2 Organisation terroriste libanaise.
3 Région ukrainienne disputée par la Russie depuis un conflit en 2014.
« Les nouvelles règles de la guerre ? », L’Histoire, le 3 mai 1808 suite à leur révolte contre les armées napoléoniennes.
Source : Francisco de Goya, El tres de mayo de 1808 en Madrid, huile sur toile, 1814, musée national du Prado, Madrid.