Oral de français : faire le commentaire linéaire du texte suivant (introduction, proposition d'un plan détaillé et conclusion).
Marivaux, L'Ile des esclaves, 1725, Acte I, scène 1
IPHICRATE : Avançons, je t'en prie.
ARLEQUIN : Je t'en prie, je t'en prie ; comme vous êtes civil et poli ; c'est l'air du pays qui fait cela.
IPHICRATE : Allons, hâtons-nous, faisons seulement une demi-lieue sur la côte pour chercher notre chaloupe, que nous trouverons peut-être avec une partie de nos gens ; et, en ce cas-là, nous nous rembarquerons avec eux.
ARLEQUIN, en badinant : Badin, comme vous tournez cela ! (Il chante.)
L'embarquement est divin,
Quand on vogue, vogue, vogue ;
L'embarquement est divin
Quand on vogue avec Catin.
IPHICRATE, retenant sa colère : Mais je ne te comprends point, mon cher Arlequin.
ARLEQUIN : Mon cher patron, vos compliments me charment ; vous avez coutume de m'en faire à coups de gourdin qui ne valent pas ceux-là ; et le gourdin est dans la chaloupe.
IPHICRATE : Eh ne sais-tu pas que je t'aime ?
ARLEQUIN : Oui ; mais les marques de votre amitié tombent toujours sur mes épaules, et cela est mal placé. Ainsi, tenez, pour ce qui est de nos gens, que le ciel les bénisse ! s'ils sont morts, en voilà pour longtemps ; s'ils sont en vie, cela se passera, et je m'en goberge.
IPHICRATE, un peu ému : Mais j'ai besoin d'eux, moi.
ARLEQUIN, indifféremment : Oh ! cela se peut bien, chacun a ses affaires : que je ne vous dérange pas !
IPHICRATE : Esclave insolent !
ARLEQUIN, riant : Ah ! ah ! vous parlez la langue d'Athènes ; mauvais jargon que je n'entends plus.
IPHICRATE : Méconnais-tu ton maître, et n'es-tu plus mon esclave ?
ARLEQUIN, se reculant d'un air sérieux : Je l'ai été, je le confesse à ta honte, mais va, je te le pardonne ; les hommes ne valent rien. Dans le pays d'Athènes, j'étais ton esclave ; tu me traitais comme un pauvre animal, et tu disais que cela était juste, parce que tu étais le plus fort. Eh bien ! Iphicrate, tu vas trouver ici plus fort que toi ; on va te faire esclave à ton tour ; on te dira aussi que cela est juste, et nous verrons ce que tu penseras de cette justice-là ; tu m'en diras ton sentiment, je t'attends là. Quand tu auras souffert, tu seras plus raisonnable ; tu sauras mieux ce qu'il est permis de faire souffrir aux autres. Tout en irait mieux dans le monde, si ceux qui te ressemblent recevaient la même leçon que toi. Adieu, mon ami ; je vais trouver mes camarades et tes maîtres.
Il s'éloigne.